Qu’est-ce que le développement durable ? Un concept polysémique inauguré au cours de rencontres internationales et entériné par des conventions auxquelles la plupart des Etats sont parties prenantes.
Sous le prisme du développement durable l’on entend « répondre aux besoins du présent sans compromettre la capacité de satisfaire ceux des générations futures » (Rapport Brundtland, CMED, 1987, p.47). La notion de développement durable, pour ne pas rester une coquille vide, commande que soient reconnues et prises en compte les inévitables tensions entre les trois dimensions de l’économique, de l’environnemental et du social. L’environnement est donc partie prenante au développement. Par un jeu de vase communiquant, ce cercle vertueux est amené à répondre à l’ensemble des attentes contemporaines des Etats du Nord comme du Sud.
Pourtant si les intentions sont louables, il ne faut pas négliger les aléas d’une telle approche pour les pays du Sud. L’efficience des programmes inaugurés au cours des sommets internationaux doit être mesurée en ce qu’ils ne constituent souvent qu’une déclaration de bonnes intentions. Par ailleurs, force est de constater que rien ou presque ne s’inscrit dans l’ordre du formel, du réalisable sur le terrain. En somme, les intérêts et les risques des pays du Sud ne sont pas suffisamment étudiés mais plus encore, à la lorgnette du développement durable une pratique courante transparaît, à savoir l’assimilation des besoins et des attentes des pays en développement. On laisse à penser qu’il existe un modèle standard de développement viable pour tout pays.
Le développement durable doit permettre, à terme, à la fois de limiter les inégalités Nord-Sud mais aussi de contribuer à la conservation d’un environnement de plus en plus en danger. Seulement, qu’elle est la viabilité de ce projet ? Les plus optimistes diront que l’on pose là les premières pierres d’un édifice ; d’autres, emprunts au scepticisme, que les relations internationales recommandent aujourd’hui, assureront la caducité d’un tel projet.
Pour cause, les instruments internationaux ayant introduit ce concept tendance sont, au pire, à simple valeur politique et couronnent ainsi la pratique du discours incantatoire, au mieux, sans valeur juridique contraignante. Le politique dominant largement le jeu diplomatique, les Etats les plus puissants s’arrogent la prérogative de relire les conventions au gré de leurs politiques nationales rarement en totale adéquation avec les intérêts des pays du Sud. De surcroît et en admettant que le développement durable soit empli d’une juridicité suffisante, il est à rappeler que l’ensemble des traités négociés l’ont été à une période où le rayonnement international des pays du Sud sur la scène internationale était plus que discutable. De facto, les intérêts primordiaux de ces derniers sont rarement suffisamment et correctement pris en considération.
Le concept de développement durable apparaît être un concept « fourre-tout », d’inspiration occidentale. Les différentes définitions du développement données depuis le début des années 70 et les politiques l’accompagnant ont montré leurs insuffisances. In fine, comment ne pas se demander si la durabilité du développement est en passe d’offrir un plus grand succès à ces politiques.
En fait, il est superfétatoire de se poser une telle question tant il est négligé à travers ces réunions et les politiques internationales mises en place le fait même que le développement ne peut être initié par les mêmes voies dans tous les pays du Sud. Chacun répond à sa spécificité, les besoins, les carences institutionnelles, économiques ou autres ne sont pas les mêmes. Les priorités du Brésil ne sont pas celles du Mali ou du Burkina-Faso. La limitation des gaz à effet de serre est concrète pour le premier qui dispose d’un certain nombre d’industries mais comment peut-elle l’être pour les seconds qui ne produisent encore et pour l’essentiel que des matières premières. Au demeurant, le débat reste ouvert quant à la démarche environnementale des pays en développement un plein essor économique. En effet, l’industrialisation massive, moteur du développement des pays du Nord, est pointée du doigt aujourd’hui. Mais, le simple bon sens appelle à plus de vigilance. D’un côté, les standards internationaux contestent la traditionnelle mise sous tutelle financière et économique des pays en développement, de l’autre, on leur refuse de recourir au système le plus productif et considéré performant de l’histoire de l’humanité.
Au-delà, et au vue de la forte précarité de certains pays, l’incongruité d’une approche environnementale du développement est manifeste. En effet, qui dit écologie, dit forte participation étatique et populaire à sa préservation. Or, dans des pays où l’accès à l’eau, à la santé, à l’alimentation est souvent difficile, attendre une mobilisation citoyenne autour de l’environnement relève de l’illusoire.
Bien que de nombreux hiatus existent, la notion de développement durable se doit d’être inscrite dans une certaine pérennité. C’est en effet de « l’avenir de tous » qu’il est aujourd’hui question. Le développement durable contient des dynamiques dont il faut urgemment prendre fait et cause. Mais pareil labeur n’est possible que par une requalification des instruments juridiques mis en place, s’accompagnant de surcroît d’un rôle beaucoup plus actif des pays du Sud dans la rédaction du contenu et des modalités de mise en œuvre de ce concept. Par ailleurs, une approche pragmatique doit être initiée puisqu’en l’état actuel de nombreuses questions restent en suspens comme la durabilité du projet, son financement, l’appui technologique et scientifique… Le temps est peut être venu d’appréhender le développement dans toutes ses spécificités. Ainsi, une place importante doit être faite aux problématiques régionales et locales et plus encore aux réponses apportées par les acteurs locaux plus au fait des attentes sociales.
Gageons par la présente, que d’une telle entreprise l’environnement ne restera pas le parent pauvre du développement dans les pays du Sud, mieux encore le développement ne pourrait être que le vague souvenir d’un passé difficile.
Sofia Ouakka, diplômée du troisième cycle d’études juridiques africaines de l’Université de Paris I – Panthéon Sorbonne
Hiver 2007