Chine : bâtiment durable pour lutter contre le réchauffement climatique

Bâtiment : un défi majeur pour le développement durable en Chine

Relever le défi climatique nécessite une synergie forte entre les pays développés et les pays en développement (PED) car le climat est un bien public pour l’ensemble de l’humanité et aucun acteur dans le monde ne peut agir tout seul pour faire face à ce risque d’une envergure sans précédent.

La Chine est aujourd’hui le deuxième pays en termes d’émissions de gaz à effet de serre (GES) juste derrière les Etats-Unis et pourrait les dépasser pour devenir le premier à l’horizon 2020-2030 suivant les scénarios de modes de croissance. En 2004, les émissions de CO2 en Chine représentaient 14% des émissions mondiales. La Chine joue un rôle prépondérant en matière d’émissions de GES compte tenu de son poids démographique et de la structure de sa consommation énergétique. La population chinoise représente 1/5ème de l’humanité et pourrait atteindre 15 milliards en 2020. La production énergétique en Chine est fortement dominée par les combustibles fossiles, en particulier le charbon qui constitue 90% des réserves d’énergies fossiles exploitables du pays. Le charbon assure 75% de la production d’électricité, source principale d’émissions de GES. La perspective de la qualité des infrastructures énergétiques de la Chine sera donc un facteur déterminant du régime climatique international de demain.

Depuis ses réformes économiques au début des années 1980, la croissance du PIB chinois s’est accompagnée d’une mutation urbaine profonde, le taux d’urbanisation ayant plus que doublé en passant de 19% en 1980 à 41% en 2004. Il est estimé que plus de 55% de la population habitera dans les villes en 20201 pour 60% à l’horizon 2030. Quelques 300 à 400 millions de nouveaux habitants quitteront les campagnes pour s’installer dans les villes les 20 prochaines années, notamment vers la région de l’est. Pour accueillir ces nouveaux arrivants, il faudra construire plus de 15 milliards de m2 de nouveaux logements d’ici 2020, soit l’équivalent de l’ensemble du parc actuel de l’Union européenne ! Les Chinois vont continuer à s’enrichir. Leur niveau de vie progresse et le revenu moyen par habitant serait de 10000 US $(PPP) en 2020. La demande de différents services résidentiels et tertiaires dans le bâtiment devrait s’accroître inlassablement.

Un bâtiment durable est un bâtiment conçu et construit de manière à réduire significativement les besoins énergétiques ainsi que l’impact négatif sur l’environnement. L’objectif principal est de valoriser efficacement les ressources en eaux, en énergies, en matériaux puis minimiser les impacts néfastes sur un plan écologique. Ceci peut être appelé bâtiment écologique ou bâtiment vert. De ce point de vue, la maîtrise de l’énergie s’inscrit parfaitement dans le concept du bâtiment durable puisqu’elle permet d’améliorer la qualité du service énergétique, donc les conditions de vie des habitants, durant toute la phase d’habitation. Elle permet également de conserver le bien environnemental qui est une ressource rare.

La situation actuelle dans le bâtiment en Chine est préoccupante car la consommation énergétique moyenne est de deux à trois fois plus élevée que celle des pays développés, ce qui provoque un gaspillage d’énergie considérable et une menace pour la santé publique. Le parc existant compte une consommation moyenne pour le chauffage supérieure à 160 KWh/m2. Dans ce domaine, le charbon est utilisé à plus de 90%. La combustion charbonnière dans les petites chaudières inefficaces provoque une forte pollution atmosphérique. La maîtrise de la demande par l’amélioration de l’efficacité énergétique constituera un potentiel d’économie d’énergie très important.

 

Les solutions

La diversification de l’offre énergétique va de pair avec la maîtrise de la demande, en particulier les énergies propres et renouvelables. La politique énergétique du pays prévoit déjà la substitution d’une partie des besoins en charbon par les énergies plus propres tel le gaz naturel dans le service de chauffage urbain. Par exemple, la municipalité de Pékin a déjà pris une initiative sans précédent. En effet, la ville a décidé de convertir l’ensemble des chaudières au charbon en gaz pour réduire la pollution atmosphérique. L’installation de chaudières au charbon est désormais strictement interdite dans le centre-ville. La ville de Shanghai a mis sur pied un grand projet visant à la construction d’un parc d’habitations écologiques avec une consommation d’énergies 100% renouvelables. Le 11e plan national pronostique une croissance rapide de gazéification chez les ménages urbains. Un projet franco-chinois de cogénération urbaine mené par l’Agence Française du développement (AFD), à Wuhan, permettra une réduction de 500 000 tonnes de CO2 par an !

 

Les perspectives

L’article 12 du protocole Kyoto a établi le cadre du principe du Mécanisme de Développement Propre(MDP) qui offre la possibilité de réduire les GES par la coopération entre les pays industrialisés et les PED. Dans ce cadre la Chine peut bénéficier du transfert de technologie dans les domaines de la maîtrise de l’énergie et de l’aide financière et ce, en échange d’un permis d’émissions réduites. La Chine ne doit pas manquer cette opportunité « gagnante-gagnante ». Les autorités centrales et locales doivent réagir vite et intégrer les projets de l’efficacité énergétique du bâtiment dans la négociation des programmes du MDP pour améliorer la performance énergétique du bâti et combattre l’effet de serre à l’aide du savoir-faire international.

 

Jun Li, Doctorant à l’Institut du Développement Durable et des Relations Internationales (IDDRI)

Hiver 2007