Le bassin méditerranéen, « point chaud » du changement climatique

Le changement climatique est désormais avéré, et le pourtour de la Méditerranée est un des « points chauds » pour des raisons à la fois physiques et humaines.

Les modèles permettent ainsi de prévoir une hausse moyenne des températures de 1,8 à 4°C d’ici la fin du siècle, avec des vagues de chaleur plus nombreuses et plus intenses.

En Méditerranée, la hausse sera plus importante sur les côtes qu’en mer et sur les îles, et elle sera plus marquée en été qu’en hiver. Les projections annoncent également des précipitations annuelles en baisse de 10 à 40% à l’horizon 2.100 sur l’Afrique du Nord. Les sécheresses devraient donc, elle aussi, être plus nombreuses et plus intenses. Enfin, la hausse du niveau de la mer pourrait atteindre 18 à 59 cm d’ici la fin du 21ème siècle. Plusieurs régions méditerranéennes sont dès lors soumises à un risque important d’inondations et d’érosion, notamment l’archipel des Kerkennah en Tunisie, Alexandrie et le delta du Nil, Thessalonique ou encore Venise. Conjuguées, ces trois manifestations du changement climatique concourent à exacerber des problèmes d’eau douce déjà aigus en Méditerranée : évaporation accrue, raréfaction de la ressource, salinisation des aquifères côtiers.

Les sociétés méditerranéennes s’avèrent fortement vulnérables à ces changements. La population des pays concernés est passée de 210 à 430 millions dans la deuxième moitié du 20ème siècle, phénomène accompagné d’un mouvement d’urbanisation et d’industrialisation accéléré sur le littoral. Combiné à cette « littoralisation » intensive, le changement climatique représente une menace dont on retiendra ici, à titre d’illustration, trois enjeux majeurs :

  • Il amplifie la pression sur des écosystèmes dont la capacité d’adaptation est déjà fragilisée par la population, la destruction des habitats et la surexploitation des ressources naturelles. Les forêts, plus petites et mois diverses, résistent ainsi moins bien aux incendies qui promettent pourtant de s’intensifier.
  • La raréfaction de l’eau et de la dégradation des sols devraient amener une baisse globale des rendements agricoles, en particulier dans les pays d’Afrique du Nord et au Proche Orient.
  • Les 21 pays du bassin méditerranéen accueillent 30% du tourisme international, qui constitue leur première ressource de devises. Un recul du tourisme pour des raisons climatiques, ou une redistribution régionale au profit du Nord de l’Europe, auraient des impacts économiques catastrophiques.

Le changement climatique doit donc être considéré comme un frein potentiellement puissant au développement. Il menace particulièrement les pays les plus pauvres, et les personnes les plus pauvres à l’intérieur de chaque pays. La question de l’adaptation se pose dès lors avec force.

En la matière, point de recette miracle : l’adaptation est en dernier ressort un processus local, qui se plie mal aux solutions générales. On peut néanmoins avancer quelques pistes autour desquelles articuler des actions concrètes :

  • Réorienter les politiques de développement de façon à les rendre plus résilientes à la variabilité climatiques et aux événements extrêmes appelés à se multiplier. Par exemple, dans les zones menacées par le recul du trait de côte, on privilégiera des approches combinant protection « dure » (digues) pour les espaces à forte valeur culturelle ou économique ; changement dans les usages des sols permettant de « vivre avec » la menace d’inondation, recul stratégique et organisé, à chaque fois que cela est possible.
  • Eduquer et sensibiliser toutes les catégories de la population.
  • Impliquer davantage les communautés locales dans les processus de décision, de façon à revitaliser un tissu sociopolitique qui a permis aux sociétés méditerranéennes de s’adapter au cours de l’histoire à des changements profonds de leur environnement et à des situations de rareté de l’eau prolongées.

La bonne nouvelle est que les efforts visant à accroître la capacité d’adaptation des sociétés méditerranéennes sont en synergie totale avec ceux concourant au développement humain, à la protection de l’environnement et à l’amélioration de la gouvernance.

 

Raphael Billé, Membre de l’Institut du Développement Durable et des Relations Internationales, spécialiste de l’impact du changement climatique en Méditerranée

Hiver 2007