Syrie : le régime accusé de crimes contre l’humanité

Pendant neuf mois, Human Rights Watch a mené une enquête en se basant sur le dossier « César ». Le rapport récemment publié par l’ONG apporte des preuves accablantes de l’atrocité du régime de Bachar Al Assad, le mettant au banc des accusés pour « crimes contre l’humanité ».

 

Le dossier « César »

En juillet 2013, un photographe de la police militaire syrienne qui se faisait appeler « César » avait pris en photo des corps de plusieurs milliers de prisonniers et d’opposants du régime syrien. En tout, il a réussi à prendre 53.725 photos, montrant les atrocités du système de détention du régime de Bachar Al-Assad. Questionné sur ce sujet, le président syrien avait déclaré lors dans une interview accordée au magazine américain Foreign Affairs le 20 janvier 2014 qu’il s’agissait « d’allégations sans preuves ». Pour lever le doute et apporter la véracité de cette histoire, l’ONG américaine Human Rights Watch a décidé de reprendre le dossier et de se concentrer sur 28.707 photos. Ces photos sélectionnées représentent des prisonniers tués dans les centres de détention du régime, en tout 6.700 personnes dont une centaine d’enfants. Parmi eux, certains corps n’avaient plus de yeux, présentaient plusieurs lésions et étaient enterrés dans des sachets plastiques. On pouvait apercevoir sur la clavicule de chaque corps ou sur un bout de carton collé dessus, une série de numéro divisée en trois groupes. Ces chiffres représentent « la branche des services de sécurité » (les moukhabarat) qui a effectué l’arrestation, le numéro du détenu et le numéro de décès.

 

Le rapport de HRW : preuves accablantes

Ce mercredi 16 décembre 2015, le HRW a publié un rapport intitulé « If the dead could speak : mass deaths and torture in Syria’s detention facilities » traduit en français : « Si les morts pouvaient parler : décès de masse et actes de torture dans les centres de détention en Syrie ». Le rapport comporte 86 pages apportant de nouvelles preuves quant à la véracité des clichés pris par « César ». HRW a fait appel à des médecins légistes de l’association Physicians for Human Rights pour détecter toutes preuves de violence sur chaque corps. Les médecins ont été catégoriques, les victimes ont subi plusieurs  « actes de tortures, de privation de nourritures, de passages à tabac et de maladies« .  Et parmi les victimes qui figuraient sur les photos, l’organisation a pu identifier 27 personnes mais n’a pu publier que huit d’entre eux, dont un adolescent, six hommes et une femme. Pour ajouter un nom sur chaque visage, l’ONG a dû solliciter l’aide des familles ainsi que des anciens détenus. En tout, les équipes de l’ONG ont dû interviewer 33 proches des victimes identifiés et 37 anciens détenus.

 

Impact sur l’avenir de la Syrie?

Un sommet international censé reprendre les négociations entre le régime et l’opposition en Syrie se tiendra à New York ce 18 décembre 2015. Avec ce nouveau rapport, les négociations ne risquent-t-elles pas de se compliquer ? En effet, depuis l’agressivité du groupe djihadiste Etat Islamique EI, les pays occidentaux, dont la France, ont cessé de réclamer le départ imminent de Bachar Al-Assad et ont opté pour une coopération contre le même ennemi. En tout cas, le HRW demande au régime syrien de donner l’accès aux différents centres de détention du pays à tous les observateurs internationaux. De plus, l’organisation exige la libération immédiate des prisonniers politiques. En outre, le GSEE (Groupe international de soutien à la Syrie) réclame à ce que les responsables assument les conséquences de leurs actes et demande à ce qu’aucune faveur ne leur soit accordée.