Amira Merabet : le visage algérien de la lutte contre les violences envers les femmes

En Algérie, la mort d’Amira Merabet a relancé le débat sur le respect des droits des femmes dans le pays. Certes, une loi criminalisant les violences faites aux femmes a été promulguée en décembre dernier mais son application reste laxiste.  

 

Retour sur un crime abominable

Le 29 août dernier, les habitants d’El Khroub, à 390 km au nord d’Alger, étaient sous le choc en apprenant le meurtre d’une extrême violence d’Amira Merabet. La jeune femme de 34 ans a été brûlée vive en pleine rue alors qu’elle se rendait à son travail. Pour cause, elle refusait de monter dans la camionnette de l’homme qui l’abordait. Frustré, ce dernier a fini par sortir de sa voiture pour la tabasser. Et comme si ce n’était pas suffisant, il a versé un liquide inflammable sur elle puis a jeté son briquet avant de prendre la fuite.

Une semaine plus tard, Amira succombe à ses brûlures alors que son agresseur est toujours en fuite. Selon les journaux locaux, cet acte a été « prémédité »  puisque l’agresseur convoitait déjà une proche de la victime. Une information qui a été démentie par Fatim-Zohra, la sœur de la défunte, qui soutient qu’ils « ne se connaissaient pas ». En tout cas, cet homme est bien connu par le quartier. En effet, plusieurs femmes ont déjà déposé une plainte pour harcèlement contre lui. Mais aucune de ces plaintes n’a donné lieu à une poursuite.

Une situation qui énerve les habitants puisque les violences contre les femmes sont fréquentes dans cette partie du pays. Et « l’expédition punitive » dans la ville d’Hassi Messaoud, en est la preuve. Quelques jours avant le décès d’Amira, un groupe d’hommes a attaqué, puis brûlé plusieurs habitations dans le quartier Al-Haïcha. Leur motif : venger l’un des leurs, tué par une femme de ce quartier. Or, cette zone n’abrite que des femmes seules venues de différentes régions de l’Algérie. Au lendemain de l’attaque, les autorités locales étaient descendues sur les lieux pour détruire le quartier et demander aux femmes de « rentrer chez elles ».

 

Une loi difficilement appliquée

Le décès d’Amira a donc été la goutte d’eau qui a fait déborder le vase.  Depuis, des manifestations ont eu lieu dans plusieurs grandes villes du pays dont Constantine, Oran, Alger et Bejaia. « Cette violence est insupportable. Nous voulions que ça n’est plus possible que les femmes algériennes vivent sous un tel système patriarcal » a déclaré l’un des organisateurs de ces rassemblements. Leur principal objectif : « réclamer à l’Etat de protéger les femmes face à des hommes qui s’en prennent à elles en toute impunité ».

En 2014, l’Algérie a comptabilisé plus de 3.200 plaintes dénonçant des violences commises contre des femmes selon la Commission nationale consultative de promotion et de protection des droits de l’homme (CNCPPDH). Et la situation s’est empirée en 2015 puisque l’année a enregistré une hausse de 27%. Raison pour laquelle, le Parlement a adopté la loi criminalisant les violences faites aux femmes en décembre dernier.

Malheureusement, l’application de cette loi s’avère difficile et les ONG réclament plus d’engagement dont le Réseau Wassila, une association pour la protection des droits des femmes et des enfants. « Nous nous battons aujourd’hui pour qu’il y ait des mesures d’application. Il faut qu’il y ait un vrai travail afin que tout le personnel juridique s’empare de cette loi et la fasse appliquer. Et puis, la clause du pardon incluse dans cette loi est dangereuse. Si une femme subit des pressions familiales ou sociales pour qu’elle pardonne son agresseur, l’affaire s’arrête ».