Birmanie : les Rohingyas, plus que jamais persécutés

Viols, massacres, tortures… Depuis plus d’un mois, les Rohingyas sont victimes d’une violente répression dans l’Ouest de la Birmanie. Alors que 21.000 d’entre eux ont dû prendre la fuite vers le Bengladesh, le gouvernement de Aung San Suu Kyi prône vaguement la « réconciliation nationale ».

 

« Nettoyage ethnique »

Au cours de ces derniers jours, le Bengladesh a renforcé le contrôle au niveau de sa frontière avec la Birmanie. Et pour cause, un flux croissant de réfugiés Rohingyas déferle sur son territoire depuis maintenant plusieurs semaines.  Selon l’organisation internationale pour les migrations (OIM), ils sont près de 21.000 à être arrivés dans le district de Cox’s Bazar, entre le 9 octobre et le 2 décembre.  Une estimation issue des données de l’ONU et des ONG internationales a précisé Sanjukta Sahany, directricte de l’OIM pour cette région à la pointe du sud-est du Bengladesh.

Mais pour comprendre ce déplacement massif, il faut se rendre à Rakhine, un Etat situé dans l’Ouest de la Birmanie. Le 19 octobre dernier, des postes-frontière de Maungdaw ont été attaqués causant la mort de neuf policiers. Sans enquête, le crime a été mis sur le dos des rohingyas, minorité musulmane habitant cette partie du pays. Une violente campagne de recherche de ces « présumés terroristes rohingyas » a donc été lancée par l’armée birmane. Mais au-delà de cette soi-disant « lutte contre le terrorisme », l’armée mène plutôt un « nettoyage ethnique » a dénoncé John McKissick, directeur du Haut-commissariat de l’ONU au Bengladesh.

Et les témoignages des rescapés le confirment : viols, massacres, tortures… tous les signaux d’un « processus de génocide » sont là. A cela s’ajoutent les images satellites recueillies par le Human Rights Watch qui démontrent qu’au moins 1.000 maisons de rohingyas ont été incendiées dans l’Etat de Rakhine au cours de ces dernières semaines. Bien évidemment, les accusés continuent à nier les faits et assurent que les habitants ont eux-mêmes mis le feu à leur foyer avant de partir. En tout cas, les violences de ces derniers jours ont provoqué le déplacement d’au moins 30.000 personnes à préciser le NHCR.

 

Aung San Suu Kiy vivement critiquée

Mais au milieu de ce contexte de colère et d’indignation, le gouvernement de Aung San Suu Kiy est plus que jamais silencieux. Une passivité sévèrement critiquée par la communauté internationale qui s’interroge sur la capacité de celle qui a reçu le Prix Nobel en 1991 à trouver une sortie de crise.  De passage à Singapour, la semaine dernière, la première ministre birmane a prôné pour la « réconciliation nationale ».

Mais cette annonce est plus motivée par les intérêts économiques de la Birmanie qu’autre chose. En effet, Aung a déclaré : « Les entreprises ne souhaitent pas investir dans des pays qui ne sont pas stables. Nous ne souhaitons pas l’instabilité mais nous avons eu une longue histoire de désunion dans notre nation. La réconciliation nationale et la paix sont donc invariablement importantes».

Depuis son arrivée au pouvoir, cette violence qui embrase le nord-ouest de son pays est le premier grand défi auquel devra faire face la « dame de Rangoun ». Et elle aura du pain sur planche puisque ce conflit dure depuis des décennies. Il est à noter que les rohingyas sont considérés comme des étrangers musulmans entrés illégalement en Birmanie. De ce fait, leur citoyenneté n’est pas reconnue et ils sont privés de plusieurs droits : travail, éducation… Ils vivent alors dans des conditions déplorables et sont persécutés tout au long de leur existence.

Raison pour laquelle, certains d’entre eux ont pris la fuite vers les pays voisins comme le Bengladesh qui abrite actuellement plus de 230.000 d’entre eux. D’autres visent plus loin et empruntent la mer. Entre janvier et mars, ils étaient 25.000, soit près du double par rapport à 2015. D’après l’ONU, ils ne sont plus que 800.000 actuellement dans ce pays de plus de 51 millions d’habitants à majorité bouddhiste.