Etats-Unis : la police au cœur des tensions raciales

La semaine dernière, les Etats-Unis ont été secoués par des tensions raciales causées par des violences policières envers les Afro-américains. Effectivement, la police en a tué trois en une semaine, sans aucune raison apparente. La mort de la troisième victime, Keith Lamont Scott a provoqué de violentes émeutes à Charlotte, en Caroline du Nord. Le gouverneur a dû déclarer l’état d’urgence et le couvre-feu n’a été levé qu’après cinq nuits de manifestation.

La goutte d’eau qui a fait déborder le vase

Le 15 septembre, Paris Match rapporte qu’un Afro-américain de 13 ans a été tué par la police dans l’Ohio. Le 20 septembre, Le Figaro publie un article qui montre l’intervention policière ayant couté la vie à un Afro-américain de 40 ans. Ce même jour, la police a abattu un autre Afro-américain à Charlotte. Ce dernier incident a créé une grande polémique car la police a refusé de diffuser la vidéo de son intervention.

Courrier international s’est alors demandé : « que montre la vidéo de la mort de Keith Scott, l’homme tué par la police ? » Dans un premier temps, seule la famille a été autorisée à regarder la vidéo. « Deux interprétations des vidéos tournées par la police lors de la fusillade mortelle de Charlotte ont émergé jeudi, écrit The Charlotte Observer, quotidien de Caroline du Nord, où ont eu lieu les faits. D’un côté, la police estime que les coups de feu tirés sur Keith Scott semblent justifiés. De l’autre, la famille de la victime, qui a eu accès aux images jeudi 22 septembre, affirme que l’homme a été tué alors qu’il marchait à reculons, les mains le long du corps », rapporte le site d’information.

Pression sur la police pour publier la vidéo

La famille, les médias et la population ont demandé à ce que les images filmées par la police soient révélées. La dissimulation de cette preuve ne fait qu’intensifier la colère de la population. De plus, « le chef de la police Kerr Putney a déclaré que les vidéos ne lui donnaient pas de preuve visuelle absolue et définitive confirmant que la personne brandissait une arme », souligne Courrier international.

Des manifestants se sont donné rendez-vous sur les lieux de l’incident à Charlotte. Les deux premières nuits ont été particulièrement violentes, comme le rapporte L’Humanité : « la mairie a annoncé qu’un homme avait été blessé par balle et qu’il se trouvait sous assistance respiratoire, dans un état critique mais qu’il n’était pas décédé, après avoir affirmé à tort qu’il était mort lors de violences entre civils.  La mairie précise en outre que ses blessures ont été causées par des affrontements entre civils, et ne sont pas du fait de la police. La police a fait usage de balles de caoutchouc et de gaz lacrymogène pour disperser les manifestants ». Face à cette situation, le gouverneur de l’Etat de Caroline a dû décréter l’état d’urgence. « Il a en outre annoncé sur Twitter avoir pris l’initiative de déployer la Garde nationale et la police autoroutière pour aider la police locale à Charlotte », souligne le quotidien.

En attendant que la police se décide, la famille de Keith Scott a été autorisée à publier une vidéo qui a été filmé par sa femme. Finalement, la police a publié samedi la vidéo montrant le drame, mais aussi des photos montrant que Scott avait sur lui une arme de poing et un holster.

Cette tragédie de plus, impliquant la police et un Afro-américain a également provoqué la colère des élus noirs du Congrès à Washington. RFI nous explique leur préoccupation sur son site : « pour nombre de représentants de la communauté afro-américaine, la question n’est pas de savoir si Keith Lamont Scott brandissait une arme ou pas lorsqu’il a été tué par un policier, noir lui aussi, car le port d’arme est légal en Caroline du Nord. La question pour ces élus est la violence policière généralisée, une violence qui d’après eux entraîne des émeutes et une répression sans retenue ».

Triste fin de mandat pour d’Obama

Ces tensions raciales jettent un ombre sur la fin de mandat de Barack Obama, le premier président noir des Etats-Unis. « L’Amérique n’a rien du paradis multiculturel qu’Obama entendait construire à l’aube de sa présidence, quand on l’imaginait dans les traits du grand réconciliateur d’une nation divisée. La renaissance des tensions raciales, ces derniers mois, plombe une fin de présidence déjà décevante », analyse le sociologue Mathieu Bock-Côté dans Le Figarovox.

Samedi, Barack Obama a inauguré le Musée national de l’histoire afro-américaine (NMAAHC) à Washington. Le monde reprend le discours du président américain : « Nous ne sommes pas un fardeau pour l’Amérique, nous sommes l’Amérique. (…) L’histoire afro-américaine n’est pas séparée de l’histoire américaine, elle en est une partie centrale. Ce musée va permettre de raconter une histoire plus riche, plus complète de ce que nous sommes. Il va nous aider à nous parler, à nous écouter les uns les autres et, surtout, à nous voir les uns les autres ».

Ces violences policières interpellent également les Américains sur la question des armes à feu. En parallèle à ces tensions raciales, le Washington Post a constaté qu’il y avait plus d’arme que d’habitants en Amérique. « Bien que le nombre total d’armes en circulation ne soit pas connu avec exactitude, le journal estimait qu’il pouvait s’élever à 357 millions, pour 317 millions d’habitants », souligne Le monde. Toutefois, une étude d’Harvard révèle que la majorité de ces armes sont détenues par 3 % de la population.