Haïti : le drame humanitaire oublié

Plus de trois semaines après le passage de l’ouragan Matthew, l’heure est au bilan pour Haïti et la facture est salée. Selon les autorités, les dégâts sont estimés à près de deux milliards alors que l’aide humanitaire se fait de plus en plus rare.

 

Une facture salée

En collaboration avec la Banque mondiale et la Banque interaméricaine de développement, les autorités haïtiennes ont finalement pu chiffrer les dégâts causés par l’ouragan Matthew. Lors d’une conférence de presse, le vendredi 28 octobre dernier, le bilan a été dévoilé au grand jour. Et la note est salée : 1,89 milliard de dollars, soit 20% du PIB national. Un coup dur pour le pays dont l’économie est déjà fragilisée par le séisme de 2010 et l’instabilité politique.

D’après ce rapport, le secteur agricole a enregistré, à lui-seul, une perte estimée à 600 millions de dollars. Et pour cause, au moins 80% des récoltes ont été détruites dans plusieurs zones. Or, cette partie de l’île est considérée comme étant le grenier du pays. De leurs côtés, les pertes liées à la destruction des infrastructures et habitations s’élèvent aussi à près de 600 millions de dollars. Et accompagnant ces destructions, plusieurs activités sont actuellement paralysées : scolaires, commerciales, pêche…

En tout, 1,4 million d’haïtiens nécessitent aujourd’hui une assistance humanitaire. Parmi ces sinistrés, 175.000 n’ont plus d’abri et 800.000 ont besoin d’une aide alimentaire d’urgence. Nourrir et loger ces personnes sont donc aujourd’hui le grand défi auquel le gouvernement devra faire face. Malheureusement, le pays ne dispose pas suffisamment de ressources pour pouvoir se relever tout-seul de ce drame.

 

L’aide se fait de plus en plus rare

Mais au moment où Haïti a plus que besoin d’aide humanitaire, celle-ci semble se raréfier. Certes, plusieurs ONG sont toujours sur place mais le manque de budget limite leur champ d’actions. Et pour cause, les dons récoltés sont bien bas par rapport à l’ampleur des dégâts. Parmi les associations sur place, Oxfam n’a réussi à obtenir que 80.000 dollars et Care moins de 50.000 dollars. Et même l’ONU peine aussi à récolter des fonds. Lundi dernier, l’organisation a annoncé n’avoir réuni que 200.000 dollars.

Pour expliquer cette « difficulté à récolter des fonds », les ONG dénoncent « la faible couverture médiatique » du drame actuel dans le pays. Il faut croire que bon nombre des médias ont levé le camp quelques jours après l’ouragan. Ils se sont dépêchés de couvrir d’autres actualités comme la crise en Syrie, la bataille de Mossoul ou encore le démantèlement du camp de la Lande à Calais.

En tout cas, la crise humanitaire est toujours présente en Haïti et elle risque de s’aggraver si aucune mesure n’est prise rapidement. « Les produits locaux sur les marchés vont bientôt manquer et nous avons besoin de plus de financement afin de poursuivre la distribution de nourritures » a déploré Miguel Barreto, directeur régional du PAM pour l’Amérique Latine et les Caraïbes. Dans l’urgence, la communauté humanitaire a ainsi besoin de 56 millions de dollars pour assurer l’aide alimentaire des sinistrés au cours des trois prochains mois.