Sud de Madagascar : l’éternelle famine

Cette année, la région Androy, dans le sud de Madagascar est touchée par sa pire sécheresse depuis 35 ans. Ce qui aggrave le « Kere » (famine) déjà chronique dans cette partie de la Grande île. « Madagascar a glissé dans la crise humanitaire, en silence », explique la représentante de l’UNICEF Madagascar, Elke Wisch. 665.000 Malgaches seraient aujourd’hui atteints d’insécurité alimentaire sévère.

 

80 % de la population rurale est touchée par l’insécurité alimentaire

L’enchaînement des périodes de sécheresse ont affaibli la capacité de résilience de la population. En février, l’insécurité alimentaire concernait 1,1 million de personnes dans les districts d’Amboasary, Ambovombe, Tsihombe, Beloha, Ampanihy et Betioky. A Tsihombe, les dernières pluies datent de janvier, ce qui a causé l’assèchement du fleuve de Mananbovo et la dévastation des champs de maïs. « Normalement la saison des pluies c’est de novembre à mars, la dernière fois qu’il a plu c’était en janvier » soupire Reho Ziry.

Face à cette situation, les habitants dont la survie dépend de l’agriculture n’ont d’autres choix que de consommer les graines qui devaient servir de semences. Pour ceux qui ont déjà épuisé leur réserve doivent se rabattre sur les fruits de cactus. Toutefois, sœur Josiane, responsable d’un orphelinat à Tsihombe s’inquiète : « il y a deux types de figues de barbaries : les blanches-orangées, qui sont comestibles et les rouges qui ne le sont pas et provoquent des troubles digestifs, des diarrhées ».

 

Détournement des aides alimentaires

Depuis que l’insécurité alimentaire s’est aggravée, les Filles de la Charité ont développé un programme de cantines villageoises. 5000 personnes bénéficiaient des distributions de nourriture non cuisinée avant que le programme ne se heurte à un problème. A Madagascar, même les bénéficiaires détournent les aides pour les revendre. « La nourriture crue, même les gens qui n’en avaient pas besoin venaient la chercher, pour la revendre au marché. Maintenant, on distribue de la nourriture cuite, et les gens aisés ont plus honte de venir se servir », raconte la sœur Immaculada, responsable d’un centre social à Tsihombe depuis 1976.

Le Plumpy’Nut, un traitement alimentaire d’urgence à base d’arachide, n’est administré aux enfants victimes de malnutrition sévère qu’au centre pour éviter ce problème. « On demande aux parents de revenir au centre pour qu’ils le donnent ici à leurs enfants, sinon il y en a beaucoup qui revendent les sachets sur le marché », regrette la sœur. Cette situation est effectivement déplorable, sachant que la malnutrition aigüe touchait 7 % des enfants de cette zone en février. Ce taux dépasse les 15 % dans certains villages.

Les campagnes pour lutter contre ce mal ne sont que passagères dans le pays. En février, le Téléthon du ministère de l’Education nationale a permis de réunir 30.000 euros pour distribuer 70 tonnes de vivres, mais c’est une goutte d’eau dans la mer. Selon Blandine Legonou, consultante au Programme alimentaire mondial (PAM), « c’est une initiative louable, mais c’est pour le geste. Il faut environ, ne serait-ce que pour intervenir de façon immédiate, 15 millions de dollars ». De plus, le véritable fond du problème est souvent étouffé dans l’engrenage politique.