Migrants : MSF en guerre contre l’UE

L’attitude de l’UE face à la crise migratoire a choqué plus d’un. Actuellement, Médecins Sans Frontières ne se contente pas tout simplement de dénoncer la politique migratoire de l’union mais passe carrément à l’offensive.

 

Refus de tout financement européen

Lors d’une conférence de presse organisée à Bruxelles le vendredi 17 juin dernier, Médecins Sans Frontières a renoncé officiellement à tout financement de la part de l’Union européenne ainsi que des pays européens. La raison en est simple : l’organisation proteste contre la politique migratoire adoptée par l’UE et principalement l’accord qu’elle a signé avec Ankara, le 18 mars dernier. En rappel, cet accord stipule le renvoi des migrants ayant débarqués illégalement en Grèce à compter du 20 mars dernier vers la Turquie.

Si l’application de cet accord a diminué le nombre d’entrées sur le territoire européen, elle a parallèlement conduit à l’augmentation importante du nombre de décès en mer. Selon l’Organisation mondiale de la migration (OIM), 2.809 migrants ont péri en mer depuis le début de cette année, soit un millier de plus par rapport à 2015 pour la même période. Avec l’itinéraire Turquie-Grèce bloqué, les passeurs optent pour la Libye-Italie qui est pourtant particulièrement dangereux. En optant pour cet accord, « la préoccupation principale de l’Europe n’est plus de savoir comment ces gens seront protégés, mais comment on peut les maintenir le plus loin possible de l’Europe » a dénoncé Jérôme Oberreit, secrétaire général international de MSF.

Au cours de l’année 2015, l’organisation a reçu dix-neuf millions d’euros de la part des institutions européennes et trente-sept millions venant de onze pays européens dont la Belgique, l’Autriche, l’Allemagne, le Danemark, l’Irlande, la République tchèque, le Luxembourg, l’Espagne, les Pays-Bas, la Suède et le Royaume-Uni. A cela s’ajoute les 6,8 millions octroyés par la Norvège pour l’ONG. En refusant tout financement lié à l’Europe, MSF devra donc se passer d’environ 62,8 millions d’euros, soit 8% des fonds totaux de l’ONG. Il est à noter que 92% de ses financements proviennent de donateurs privés.

 

Une web-série satirique

Mais l’ONG a plus d’un tour dans son sac et compte bien passer à l’offensive. Ainsi, elle vient aussi de lancer une web-série satirique visant à sensibiliser le monde sur « l’absurdité et les contradictions des politiques européennes actuelles, en prenant un parti pris ». Intitulée « Johny Hunter : chasseur de migrants », la campagne sera répartie en six épisodes dont le premier a été dévoilé le 20 juin dernier et le dernier devra être en ligne le 7 juillet prochain. Plusieurs thèmes seront mis en avant pour chaque épisode dont les naufrages, l’hypocrisie de la solidarité, la vie dans les camps, la construction des murs pour empêcher les migrants de passer ainsi que les conditions de survie des migrants.

Globalement, la vidéo met en scène Johnny qui a comme principale mission d’empêcher les migrants d’entrer en Europe. Accompagné par une équipe super-équipée, il s’aventure dans les forêts et chasse tous les migrants qu’il croise en chemin. Dès le premier épisode, le ton est lancé : « les migrants et les réfugiés ont toujours été un problème pour l’Europe, mais depuis deux ans ça s’est accéléré. Avant, Kadhafi nous les gardait au chaud en Libye mais depuis qu’il est tombé il y en a beaucoup plus qui viennent. En plus, en Syrie il semble qu’il se passe deux ou trois choses… Je ne sais pas exactement quoi, mais ça agite un peu la région ».

Chaque épisode est accompagné par un message fort et des témoignages. Pour le premier épisode, le message était : « En détruisant un campement d’exilés quelques part en Europe, Johnny applique la politique de l’Union européenne visant à dissuader les réfugiés d’entrer, de circuler et de s’installer sur son sol, au motif qu’elle en pourrait en intégrer davantage ». Et parmi les témoignages, on retrouve entre autres : Franck Esnée, responsable des migrants chez MSF ; Frédérique Drogoul, psychiatre pour l’organisation ainsi que quelques migrants. Pour couronner le tout, MSF incite le grand public à se rallier à sa cause grâce au hashtag : #JeNeSuisPasJohnny